Maladies auto-immunes : le COVID déclenche-t-il ces pathologies ?

Un chiffre brut, puis le soupçon : jusqu’à 10 % des personnes infectées par le SARS-CoV-2 voient surgir, des semaines ou des mois après la guérison, des troubles qui n’existaient pas avant. L’histoire des maladies auto-immunes prend ici une tournure inattendue, où le COVID-19 pourrait bien jouer le rôle d’allumette sur une poudrière immunitaire.

Depuis l’apparition du SARS-CoV-2, les scientifiques scrutent de près le sillage laissé par ce virus, et notamment l’augmentation inexpliquée des diagnostics de pathologies auto-immunes chez d’anciens patients. Derrière ces chiffres, une interrogation : pourquoi certains systèmes immunitaires semblent-ils perdre le nord après une simple infection ? Et comment expliquer que des individus sans antécédents développent soudain des maladies jusque-là réservées à d’autres profils ?

Le système immunitaire face au SARS-CoV-2 : comprendre les bases

Le système immunitaire fonctionne comme une armée en alerte permanente, prête à intervenir à la moindre alerte. Face au SARS-CoV-2, le chef d’orchestre perd parfois la main : les signaux s’emballent, les défenses deviennent contre-productives et déclenchent une réaction en chaîne aux conséquences imprévisibles.

L’intrusion du virus provoque un déferlement de cytokines, ces messagers chimiques qui coordonnent la riposte. Mais un excès de zèle peut tourner au désastre : c’est l’orage cytokinique. L’organisme, croyant se protéger, met en péril ses propres tissus. Ce scénario, observé dans d’autres infections, atteint ici une intensité rarement vue.

Autre acteur clé : les interférons de type 1. Ils stoppent en principe la progression du virus dès le début. Pourtant, chez certains patients atteints de formes sévères de la COVID-19, la machine se grippe : soit la production de ces interférons faiblit, soit des auto-anticorps s’y attaquent directement. Résultat, la première ligne de défense cède et le virus s’engouffre.

Les chercheurs tentent désormais de démêler ce dialogue complexe entre le SARS-CoV-2 et les multiples facettes de l’immunité. Ce ballet, fait de réactions inflammatoires et de mécanismes de régulation, alimente de nouvelles pistes sur la genèse de maladies auto-immunes après une infection.

Le covid-19 peut-il déclencher des maladies auto-immunes ?

La question fait l’objet de débats animés depuis le début de la pandémie. Plusieurs travaux récents montrent que l’infection par le COVID-19 peut entraîner la création d’auto-anticorps. Ces anticorps, conçus pour attaquer des ennemis extérieurs, se retournent parfois contre l’organisme lui-même et persistent bien au-delà de la phase aiguë, laissant planer le doute sur leur impact à long terme.

La liste des cibles de ces auto-anticorps n’a cessé de s’allonger : interférons, annexine A2, phospholipides, lymphocytes B, protéines des vaisseaux sanguins, du cœur, du cerveau… Ce phénomène ouvre la porte à différentes maladies, dont la polyarthrite rhumatoïde, le lupus érythémateux disséminé, la sclérodermie systémique, le diabète de type 1, les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), le psoriasis ou encore les vascularites.

Tous les patients ne sont pas logés à la même enseigne. Les statistiques révèlent un risque accru de maladies auto-immunes après une infection par le SARS-CoV-2, surtout dans les mois qui suivent. Ce constat concerne aussi bien des personnes ayant déjà un terrain à risque que celles sans aucun antécédent. Toutefois, la présence d’auto-anticorps après le COVID-19 ne conduit pas systématiquement à une pathologie déclarée. Ce déséquilibre immunitaire, silencieux ou bruyant, interroge sur ses effets réels à moyen et long terme.

Ce que disent les études : résultats et limites des recherches actuelles

Depuis 2020, les données s’accumulent et dressent un tableau sans appel : il existe un lien entre COVID-19 et l’apparition de maladies auto-immunes. Des cohortes issues d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie font état d’une hausse des diagnostics au cours de l’année qui suit l’infection. La présence d’auto-anticorps post-COVID est désormais bien documentée, mais leur rôle exact dans l’éclosion des maladies reste discuté.

Les analyses mettent en lumière certains profils plus concernés. Pour mieux comprendre, voici ce que les études mettent en avant :

  • Production d’auto-anticorps : de nombreux patients développent ces anticorps après le COVID-19, mais leur impact clinique varie d’un individu à l’autre.
  • Facteurs de risque : le sexe féminin, l’âge avancé, l’obésité, le tabagisme, des antécédents psychiatriques ou pulmonaires sont fréquemment retrouvés chez les personnes concernées.
  • Limites méthodologiques : l’absence de protocoles unifiés, un manque de recul et des critères diagnostiques disparates compliquent l’interprétation des résultats.

La mécanique intime reliant le SARS-CoV-2 à ces désordres immunitaires n’est pas encore totalement comprise. Les recherches actuelles peinent à trancher entre un effet direct du virus et la révélation d’une fragilité préexistante. De plus, la plupart des études s’arrêtent au bout d’un an, ce qui laisse dans l’ombre le devenir à long terme de ces anomalies immunitaires.

Medecin en scrubs travaillant sur une tablette en clinique

Covid long, anomalies immunitaires et nouvelles pistes de compréhension

Pour nombre de patients, l’épisode aigu du SARS-CoV-2 ne marque pas la fin de l’histoire. Des signes tenaces s’installent : fatigue écrasante, troubles de la mémoire, souffle court, douleurs articulaires, inconfort digestif ou réactions cutanées. Ce qu’on nomme désormais covid long remet en cause la vision classique de la guérison virale.

Certains cas rappellent des syndromes déjà connus, comme l’encéphalomyélite myalgique / syndrome de fatigue chronique (EM/SFC), la dysautonomie ou encore le POTS (syndrome de tachycardie orthostatique posturale). Ces affections partagent des points communs avec le covid long : épuisement, accélération du rythme cardiaque, intolérance à l’effort. Les mécanismes suspectés incluent la dérégulation du système immunitaire, la persistance d’auto-anticorps, mais aussi des troubles mitochondriaux ou une inflammation chronique de l’intestin.

Les scientifiques s’interrogent sur le rôle de la neuroinflammation dans les troubles cognitifs et sur celui de la dysfonction endothéliale pour les complications vasculaires. Une hypothèse prend de l’ampleur : celle d’une activation immunitaire prolongée, alimentée par des fragments viraux persistants ou une réponse auto-immune mal maîtrisée. Les analyses révèlent parfois la présence d’auto-anticorps dirigés contre les interférons ou certaines structures des vaisseaux et du système nerveux. Ce déséquilibre ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques, encore à l’état de balbutiement.

Alors que les questions s’accumulent, une certitude s’impose : le COVID-19 a révélé la vulnérabilité de nos défenses internes et bouleversé la compréhension des maladies auto-immunes. L’histoire reste à écrire, mais personne n’ignore plus le poids de cette ombre portée par le virus, bien après la fièvre et la toux.