Aucune trace écrite ne mentionne la première maladie. Les paléopathologistes relèvent pourtant des lésions sur des ossements vieux de plusieurs centaines de milliers d’années, révélant des atteintes bien avant l’apparition de sociétés organisées. La transmission des pathogènes précède l’agriculture, contredisant l’idée reçue selon laquelle la sédentarisation aurait déclenché la première vague d’épidémies.
Les analyses ADN de restes fossiles mettent en évidence une diversité d’infections, bactériennes ou parasitaires, dès les premiers Homo. Les maladies émergent ainsi au cœur de l’évolution humaine, imposant des adaptations biologiques et sociales longtemps avant la médecine structurée.
Quand la maladie apparaît : aux origines de l’humanité
Pour saisir l’histoire de la première maladie, il faut se pencher sur les os, et non sur les récits. Bien avant que l’Homo sapiens ne plante la première graine, les vestiges d’Homo erectus portent déjà les marques de pathologies. Même les chasseurs-cueilleurs, disséminés sur de vastes territoires, n’échappaient pas aux infections. Les restes retrouvés dévoilent des traces d’infections, de manques nutritionnels ou de blessures, signes d’une lutte ancienne contre les agents pathogènes.
La transmission de maladies entre animaux et humains commence bien avant la révolution agricole, bien avant les premiers champs. Cette circulation précoce des zoonoses précède l’apparition de villages. Plus tard, la domestication et l’essor de l’agriculture ne font qu’accélérer la propagation des épidémies. Des maladies comme la variole, la tuberculose ou la peste se faufilent alors dans les premiers habitats sédentaires, laissant des traces indélébiles que les archéologues traquent encore aujourd’hui.
L’humain préhistorique affronte donc la maladie loin avant l’âge du bronze. Les squelettes portent la signature de la tuberculose ou de la peste dès les premiers peuplements. Ce constat renverse l’idée d’une humanité jadis épargnée : la maladie accompagne l’évolution humaine depuis ses débuts, imposant des réponses, des adaptations et des stratégies collectives qui dessinent le destin de notre espèce.
Quels indices archéologiques révèlent les premières traces de maladies ?
La paléopathologie permet de remonter la généalogie de la maladie en scrutant les vestiges humains. Les squelettes retrouvés dévoilent une mosaïque de lésions, témoins de maladies infectieuses parfois anciennes de dizaines de milliers d’années. Les os déformés, rongés ou cicatrisés racontent des histoires d’infections, bien avant la maîtrise du métal.
Les percées de la biologie moléculaire ont changé la donne. Extraire de l’ADN d’ossements anciens permet aujourd’hui d’identifier le virus de l’hépatite B dans des restes du néolithique, ou la présence de Yersinia pestis, la bactérie de la peste, sur des dents datant d’époques lointaines. Ce travail minutieux retrace les parcours des pathogènes, éclaire la longue cohabitation entre les humains et leurs compagnons invisibles.
Certains sites archéologiques, comme ceux de l’empire romain ou des nécropoles préhistoriques, livrent des indices frappants sur la mortalité liée aux maladies infectieuses. Des pics de décès chez les jeunes adultes, des tombes collectives : autant de preuves de vagues épidémiques qui ont bouleversé des communautés entières. Les paléopathologistes ressuscitent, à partir d’un simple fragment d’os, la mémoire des premières maladies qui ont traversé l’humanité.
L’évolution des pratiques médicales à travers les grandes périodes de l’histoire
La façon dont l’humain affronte la maladie évolue au gré des sociétés. Les premiers soins, hésitants, s’appuient sur la magie, les rituels et les plantes, héritage direct des chasseurs-cueilleurs. Avec la naissance des civilisations, de la Mésopotamie à l’Égypte, émergent les premiers spécialistes : prêtres-médecins, guérisseurs, détenteurs d’un savoir jalousement gardé.
Progressivement, la médecine s’émancipe de la sphère religieuse. Hippocrate, au Ve siècle avant notre ère, pose les premiers jalons d’une approche clinique. Galien, puis Avicenne, poursuivent cette démarche, mais les grandes épidémies viennent régulièrement ébranler les certitudes. Peste de Justinien, peste noire au XIVe siècle, désastre de Marseille en 1720 : chaque crise sanitaire rappelle la précarité de l’humanité face aux maladies infectieuses.
Un tournant décisif s’opère au XIXe siècle. Louis Pasteur et Robert Koch parviennent à identifier les micro-organismes responsables de nombreuses affections. Edward Jenner invente le vaccin, dont la généralisation bouleverse la gestion des maladies. La vaccination devient un atout majeur de la santé publique. Avec le XXe siècle, arrivent les antibiotiques, la création de l’Institut Pasteur et l’organisation d’un enseignement médical structuré, notamment à la Sorbonne Université.
Le XXIe siècle ouvre un nouveau chapitre. Pandémies inédites, résistance accrue des microbes, circulation mondiale des pathogènes : la médecine doit s’adapter sans cesse. Pourtant, le socle reste inchangé : observation rigoureuse, expérimentation et transmission du savoir guident, encore et toujours, la progression de la science médicale.
Ce que la recherche sur les maladies anciennes nous apprend sur notre santé aujourd’hui
La paléopathologie n’est pas qu’une affaire de poussière et d’ossements. Elle éclaire, en filigrane, l’histoire de notre vulnérabilité. Explorer l’ADN de restes humains, repérer la trace du virus de l’hépatite B ou de Yersinia pestis dans des os datant de plusieurs millénaires, c’est comprendre comment les maladies infectieuses ont sculpté les sociétés humaines, génération après génération.
Les données issues des temps anciens offrent aujourd’hui un avantage : elles permettent d’anticiper. L’essor de la mondialisation et le changement climatique modifient les équilibres écologiques, ouvrant la voie à de nouveaux pathogènes. Les grandes pandémies du XXe siècle, de la grippe espagnole à la pandémie de SARS-CoV-2, montrent à quel point les virus savent se transformer et contourner les barrières. Les sociétés, elles, vacillent mais apprennent : l’OMS appelle à la vigilance, à la prophylaxie, à l’ajustement constant des réponses collectives.
L’analyse de restes anciens révèle aussi l’existence de gènes de résistance, hérités des grandes épidémies passées et encore présents chez certains groupes aujourd’hui. Ces découvertes nourrissent les stratégies de prévention, orientent la vaccination, et rappellent que, malgré la baisse de la mortalité infectieuse dans de nombreux pays, la pression évolutive des microbes n’a jamais cessé.
Voici quelques axes majeurs que la recherche met en avant :
- Mutation virale : comprendre les mécanismes d’apparition de nouveaux variants.
- Prophylaxie : adapter les mesures sanitaires aux dynamiques contemporaines.
- Organisation mondiale de la santé : coordonner la surveillance et la réponse internationale.
À chaque découverte, c’est un pan de notre histoire collective qui refait surface, rappelant que la maladie n’a jamais cessé de façonner l’humanité, tout en l’obligeant à réinventer sans relâche ses défenses et ses espoirs.


